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AU CAMEROUN : LA MÉDIATISATION DE LA SOUTENANCE DE THESE DE DOCTORAT DE INDIRA BABOKE DIVISE

La jeune femme a reçu mention spéciale lors d’une soutenance de thèse dont la médiatisation est fortement critiquée dans l’opinion.

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La médiatisation de la soutenance de thèse de doctorat en médecine d’Indira Baboke au Cameroun a suscité une vive polémique, divisant l’opinion publique entre ceux qui y voient une promotion légitime de l’excellence académique, avec une étudiante déjà starifiée par sa carrière musicale, et ceux qui y voient l’arrogance de la classe dirigeante.

Ce qui s’est passé

Indira Eden Tamboulo Baboke, fille du Directeur Adjoint du Cabinet Civil du Président de la République du Cameroun, Oswald Baboke, a soutenu sa thèse de doctorat en médecine à l’Université de Yaoundé I. Sa soutenance s’est déroulée à l’Amphi 350 de la Faculté de Médecine et des Sciences Biomédicales (FMSB) de l’Université de Yaoundé I. Sa thèse, intitulée « Devenir et qualité de vie de patients opérés pour malformations vasculaires et intracrâniennes à l’hôpital général de Yaoundé« , et supervisée par le Professeur Vincent de Paul Djientcheu, professeur titulaire en neurochirurgie, et le Dr Oumarou Haman Massouro, Maître-Assistant en neurochirurgie, a été reçue avec mention spéciale par le jury. L’événement a connu une couverture médiatique inhabituelle pour une soutenance de thèse. Des médias nationaux et internationaux ont relayé l’information, certains diffusant même des extraits de la soutenance et des interviews de la candidate et de sa famille. La chaîne Dash TV avait d’ailleurs déployé un dispositif des grands jours pour diffuser en live à la télé et sur Facebook, tout l’ensemble de la cérémonie de soutenance. Au delà de la soutenance et de la candidate qui à elle seule réunit plus de 4 millions de followers sur les réseaux sociaux et figure parmi les artistes les plus écoutés au Cameroun sur les plateformes de streaming, les médias avaient de quoi être enthousiastes : la cérémonie de soutenance était très courue, à la fois par les amis de la médecin-chanteuse, de son père DCC adjoint du cabinet civil, et de sa mère qui est pasteure évangélique : parmi les invités dans l’assistance, pas moins que Samuel Eto’o, très influent Président de la Fécafoot et légende du football, connu pour son étroite proximité avec Oswald Baboke. On pouvait y compter aussi des personnalités politiques, ministres de la république, dirigeants de sociétés publiques, comme Charles Ndongo, DG de la radio et de la télé nationales CRTV, mais aussi des artistes célèbres comme l’ivoirien KS Bloom et le producteur Tamsir, venus spécialement d’Abidjan. Le même parterre de personnalités influentes et célèbres s’est retrouvé le soir, pour les réjouissances.

Une médiatisation qui ne déplaît pas à tous.

Pour d’autres en revanche, cette médiatisation saluerait l’excellence académique et de reconnaître le mérite d’une jeune femme qui a brillamment mené ses études. La visibilité donnée à cet événement pourrait, selon eux, inspirer d’autres jeunes Camerounais à s’investir dans leurs études et à viser l’excellence. C’est ce que pense par exemple le médecin de formation, et entrepreneur, Claudel Noubissie. Des internautes ont également estimé que la médiatisation de la soutenance d’Indira, est normale, puisque tous ceux qui font des soutenances, connus ou pas, ont le droit d’amener vidéastes, photographes, pour capturer des souvenirs de ce moment. Sauf que là, il ne s’agit pas de n’importe qui.

Une médiatisation fortement critiquée

La médiatisation de cette soutenance, perçue comme indécente, a été vivement critiquée par une partie de l’opinion publique. Les détracteurs dénoncent avant tout une instrumentalisation politique de l’événement. La présence massive des médias et la mise en avant de la candidate, perçue comme « fille de ministre », seraient une tentative de glorifier la famille ministérielle et de détourner l’attention des problèmes réels auxquels est confronté le pays.

Des voix se sont élevées pour souligner le contraste entre la couverture médiatique de cette thèse et le silence entourant d’autres thèses de doctorat, pourtant tout aussi méritantes. Cette disparité est dès lors perçue comme une illustration de favoritisme et d’inégalité de traitement.

Une autre critique, et pas des moindres, bien au delà de la polémique sur la médiatisation, concerne le statut même de la thèse : bien qu’elle soit désormais appelée Docteur en médecine, certains universitaires soulignent que son doctorat correspond en grade académique au « Master Professionnel » selon la loi de 2023 sur l’enseignement supérieur. Pour obtenir un doctorat au sens académique, il faudrait en fait un Master 2 recherche et une inscription en thèse. Le professeur Aimé Bonny, cardiologue et universitaire, désormais exilé en Europe, dénonce Indira comme faisant partie des étudiants en médecine qui séchaient les cours : « comment aurait-elle pu suivre sa formation alors qu’elle est plus impliquée dans la musique? » se questionne-t-il dans une vidéo YouTube. Aimée Bonny a souvent pris la parole ces dernières années dans les télés camerounaises pour dénoncer le fait que le ministère des enseignements supérieurs continue de délivrer des diplômes à des apprenants qui pour la plupart ne suivraient pas les leçons régulièrement.

Enfin, la critique la plus virulente concerne la perception d’une « normalisation » des privilèges. La médiatisation de la soutenance d’une « fille de » est vue comme le symptôme d’un système où les connexions et le statut social priment souvent sur le mérite pur, renforçant le sentiment d’une élite intouchable et déconnectée des réalités de la majorité. Surtout dans un pays où la majorité de la population vit sous le seuil de pauvreté, et dans un contexte de montée d’adrénaline dans le débat public à l’approche de l’élection présidentielle, dans laquelle la candidature de Paul Biya, 43 ans de règne, 92 ans d’âge, fait débat.

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