Les tensions entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda n’ont jamais été aussi fortes, et les artistes traduisent cette crise dans leurs textes. Avant d’être une crise diplomatique, la situation dans l’Est de la RDC, dramatique depuis 30 ans à travers plusieurs guerres, est avant tout une crise humanitaire qui a déjà couté la vie à des millions d’êtres humains. Selon un forum de 124 ONG qui enquête sur cette impasse, depuis que le conflit a éclaté entre le groupe rebelle M23 et l’armée congolaise en 2021, 3000 personnes auraient déjà trouvé la mort. On parle aussi de plus de 3000 personnes blessées, et un bilan tout aussi alarmant concernant les violences sexuelles contre les femmes et les enfants. Avant et après que les tensions ne soient ravivées en 2022, le gouvernement congolais a régulièrement accusé le Rwanda de soutenir le M23, dans le but de faire main basse sur les ressources naturelles de cette zone où sont exploités des minerais comme le coltan, utile dans l’industrie des smartphones.
Une vieille guerre où le Rwanda est accusé par le Congo
Ce que nie totalement Kigali. Pour Paul Kagame, Président de la République du Rwanda, le problème est purement congolais. Mais de nombreux congolais, dans le pays et dans les diasporas, comme le rappeur Youssoupha, fils du regretté Tabu Ley Rochereau, prennent position contre le Rwanda. En Juin 2022, Youssoupha avait déjà annulé son concert au Rwanda, pour appuyer l’accusation contre Kigali « en solidarité pour mes frères congolais qui tombent dans l’Est sous les balles et les bombes rwandaises » disait-il alors sur Twitter (X). De même dans son album récent, Amour Suprême, sorti le 24 janvier 2024, Youss n’y va pas par quatre chemins dans le titre Prose de Combat : « Tout mon respect pour le peuple du Rwanda, mais besoin de la peine capitale pour Kagame », chante-t-il, sans faire de nuance. Sa position toujours aussi virulente sur la guerre dans son pays d’origine, semble par contre se tamiser un peu dans ce morceau collaboratif de Gradur, lui aussi d’origine congolaise, qui travaille un projet dédié au Congo depuis plus d’un an. Dans le titre free congo où il invite d’autres MCs originaires de RDC – Damso, Kalash Criminel, Josman, Ninho et Youssoupha, le lyriciste Bantou déclare : « Paul Kagame il faut le condamner, mais aussi il faut reconnaître que ceux qui dirigent le Congo n’aiment ni le Congo, ni les Congolais ». Ce discours semble plus inclusif car il intègre les différentes perceptions qui entourent la crise.
Une guerre aux causes lointaines
Le conflit entre l’armée de la République démocratique du Congo (RDC) et le M23 (Mouvement du 23 mars) trouve ses racines dans les tensions complexes et persistantes qui sévissent dans la région du Kivu, à l’est de la RDC. La région du Kivu a été marquée par des décennies de conflits armés, alimentés par des rivalités ethniques, des différends fonciers et la lutte pour le contrôle des ressources naturelles. Le M23 est principalement composé d’anciens membres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), un groupe rebelle majoritairement tutsi. Les accords de paix de 2009 avaient intégré des membres du CNDP dans l’armée congolaise, mais des tensions ont persisté concernant leur mise en œuvre. En 2012, des soldats issus de l’ex-CNDP se sont mutinés, dénonçant la non-application des accords de paix et les conditions de vie dans l’armée. Ils ont formé le M23, du nom des accords du 23 mars 2009. Le M23 a rapidement pris le contrôle de vastes portions du Nord-Kivu, suscitant une forte inquiétude régionale. La RDC et des organisations internationales ont accusé le Rwanda de soutenir le M23, ce que le Rwanda a nié. Ces accusations ont exacerbé les tensions entre la RDC et le Rwanda, deux pays voisins dont les relations ont été historiquement complexes. En 2021, le M23 a repris les armes, lançant de nouvelles offensives et capturant des territoires supplémentaires. Les combats ont entraîné des déplacements massifs de populations et une crise humanitaire grave.