Il était programmé au spectacle « Bienvenue au Contineng » organisé par le label évènementiel ivoirien Boss+ dans la salle « Les Folies Bergère » à Paris, pour valoriser la scène humoristique francophone camerounaise du moment. Moustik devait donc jouer aux côtés d’autres voix camerounaises comme Diane Nama, Fingon Tralala, Ulrich Takam, Valery Ndongo, Sylvanie, Edoudoua Non Glacé, Charly, Selavie New Way. Dans une vidéo publiée sur Facebook ce 15 février, l’humoriste fait savoir qu’il se retire de ce spectacle, parce que des « combattants pour la liberté et le changement », auraient appelé la salle de spectacle pour menacer l’évènement de boycott si Moustik y joue. Voici l’intégralité de son message :
Je ne me sens coupable de rien.
« Bonjour à tous. Je m’appelle Tagne Tagne Hubert Martial, jeune Camerounais qui pour se battre, contre la vie compliquée, a trouvé le chemin de l’art, notamment l’humour, pour nourrir sa famille. Mon père s’appelait Tagne Jean Paul, il était de Bandjoun. Ma mère s’appelle Nyangono Endomba Francisca, originaire du Sud, notamment du village Ngomedzap. J’ai fait une vidéo où j’ai posé une question à un candidat à l’élection présidentielle, et en posant cette question j’ai revêtu une cape, d’un personnage humoristique, utilisé tous les canaux qui correspondent à mon personnage. Notamment l’humour, le non sérieux et tout le reste. Une question qui a été prise au premier degré par une multitude de fans et sympathisants du brillant professeur Maurice Kamto. Je suis supposé être en spectacle le 02 Mars à Paris, avec un ensemble de compatriotes, dans un projet nommé « Bienvenue au Contineng », aux Folies Bergère. Et j’ai reçu des appels pas aujourd’hui, du producteur, et d’un confrère, Valerie Ndongo, qui me faisaient part de la situation délicate dans laquelle ils se trouvaient, parce que des combattants, pour la liberté et le changement, auraient écrit à la salle pour boycotter le spectacle, parce que je serai là. Alors, j’ai parlé avec l’équipe, je leur ai dit que je ne ferai pas une vidéo pour m’excuser ; parce que je ne me sens coupable en rien.
On ne me fait pas marcher.
Même si c’était le cas, si je me sens coupable d’avoir une idéologie politique qui ne correspond pas à celle des autres, et que pour cela on voudrait m’empêcher d’exercer mon work, je dirai juste que pour ne pas gêner mes compatriotes, mes confrères, je vais me retirer de ce spectacle. Je ne viendrai pas. Je ne viendrai pas à ce spectacle en tant qu’artiste, je viendrai à ce spectacle en tant que citoyen camerounais qui vient regarder et applaudir ses frères. Je serai là. Et tous ceux qui me menacent, et trouvent que je suis un problème, je vous le dis encore, tous ceux qui me connaissent, j’ai joué devant la première dame et tout le parterre de personnalités du Cameroun où j’ai parlé de la crise du NOSO, avec mes mots à moi. Et je tiens à vous faire savoir que j’ai utilisé un personnage qui s’appelle Essomba Bacchus, le soûlard … Je n’ai pas été irrespectueux devant le première dame, je n’ai pas été irrespectueux de parler des problèmes du Cameroun avec ce ton. On ne me fait pas marcher. On ne me fait pas chanter.
Je n’ai pas peur de qui que ce soit.
Que je vienne jouer en France ou pas, honnêtement, j’ai réussi à trouver des moyens de m’en sortir dans ma misère. Je dis encore et je répète : moi je ne voudrais pas être une courroie de la haine, je ne voudrais pas être une courroie du mépris ou de la division du Cameroun, non ! Je me retire de ce spectacle, pas parce que j’ai peur de qui que ce soit, mais parce que je ne voudrais pas que mes opinions politiques touchent mes confrères qui doivent gagner leur vie. Je félicite tous les artistes qui ont suivi ce problème avec minutie, et qui ont préféré fermer leur bouche, ne pas monter au créneau, parce qu’ils ont peur, et qu’ils veulent défendre leur mangeoire. Aujourd’hui c’est Moustik le Karismatik, demain ce sera vous. Allons-y. Octobre c’est bientôt et, vive le Cameroun, et vive les Camerounais. One Love ! »
Les origines du problème.
Pour resituer le contexte, petit rappel des faits. Le 11 février, l’humoriste et producteur Valery Ndongo a publié sur sa chaîne YouTube un talk-show en deux parties, avec pour invité, Maurice Kamto, homme politique, Président du MRC, candidat déclaré à la future élection présidentielle, à laquelle il espère faire mieux qu’à la précédente : battre Paul Biya, au pouvoir depuis 43 ans maintenant, et qui a 92 ans depuis ce 13 février. En 2018 il était arrivé 2ème avec 14% des voix, selon les résultats officiels d’Elecam, validés par le Conseil Constitutionnel, malgré les recours formulés et défendus devant cette juridiction, lors d’un procès télévisé et hautement suivi.
Dans cette émission de style comedy show qui se promet d’être un rendez-vous habituel durant cette année électorale, l’animateur Valery Ndongo avait donné la parole à deux artistes : d’abord Koppo, rappeur, et puis Moustik Le Karismatik, célèbre humoriste, connu dans ses sketches vidéos et sur scène, et même comme promoteur de la plateforme de restauration « Dimanche Taro ». Dans sa séquence pré-enregistrée, agissant dans la peau d’un personnage, celui de président d’un parti imaginaire d’opposition, notamment le P.E.N.I.S. (parti de l’émergence nationale et de l’intégration sociale) qu’il a souvent utilisé dans ses contenus, l’humoriste avait posé une question proche de celle de Koppo, demandant l’avis de Maurice Kamto sur les agissements souvent violents de certaines personnes qui se réclament militants ou sympathisants du MRC et de son leader. Voici l’intégralité de sa question :
Dans la peau d’un opposant.
« Cher collègue, je vois beaucoup de batailles, parfois des batailles de chiffonniers violentes, avec des personnes qui sont contre celles qui pensent contre la résistance. Je vois un déploiement de vos militants ou peut-être de vos militaires, des sympathisants brandissant votre nom et celui de votre parti. Quel est votre comportement face à cela ? Vous ne vous sentez pas coupable, responsable ? Qu’est-ce que vous êtes prêt à faire, pour que la bataille électorale soit une bataille saine, tout en respectant les droits des uns et des autres, sans avoir d’effusion, vraiment … parce que moi je suis opposant, mais c’est compliqué, moi j’ai peur ! Vous au moins vous avez déjà fait la prison mais moi je si je pars (en prison) je vais faire comment ? Donc, cher collègue comment vous faites pour discipliner vos troupes ? Beaucoup de courage, et j’espère que je vais vous battre aux élections. »
Dans une réponse courtoise, Maurice Kamto avait expliqué globalement qu’il ne saurait être responsable de gens à qui il n’a donné ordre ni mandat. Prenant même exemple sur les footballeurs qui ne sont pas tenus pour responsables des écarts de conduite de leurs fans. Mais justement, nombre d’internautes, avaient pris Moustik pour cible, lui reprochant d’avoir posé cette question qui de leur point de vue prouverait qu’il est contre l’homme politique et le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun – MRC. En 2018, un peu avant l’élection et davantage après, des activistes camerounais, vivant principalement en occident, avaient créé « la brigade anti sardinards », un groupe d’activistes engagés contre le régime Biya. Le mode opératoire de ce groupe consistant, un peu comme les « combattants » congolais à une certaine époque, à boycotter activement et systématiquement tous les évènements programmés en Europe ayant en affiche tous les artistes ou personnalités qui d’après eux soutiendraient le parti au pouvoir… 2025 promet dès lors d’être une année électorale particulièrement agitée.