L’univers musical de Reniss a toujours été imprégné du parfum de l’environnement musical de son producteur et mentor, Jovi. Son style de musique est d’ailleurs défini comme du Mboko, un genre original inventé par Jovi lui-même, qui propose une rencontre mélodieuse entre le hip hop, les rythmes, langues, cultures du Cameroun, avec les influences musicales de plusieurs pays africains, tel qu’on peut en écouter dans son premier LP Tendon, dont est issu le méga tube La Sauce .  Mais à l’écoute de ce deuxième LP Nzo , qui signifie demain ou futur en Ngemba, la langue parlée à Mankon où elle est née, dans le Nord – Ouest du Cameroun, le voyage en 12 tracks dans lequel nous embarquent la Reine de New Bell Music et Le Monstre (ainsi s’appelle Jovi quand il produit), est différent. S’il y a des traces de fusion, Nzo apparaît davantage comme un projet qui reprend plus fidèlement dans leur authenticité des courants musicaux qui ont marqué l’Afrique des années 60, 70, sur des sujets d’aujourd’hui, d’hier et de demain. Il nous transporte dans un futur où la beauté des choses sort tout droit d’un passé glorieux, l’époque d’avant le SIDA, où le pétrole se vendait bien, et les pays affranchis en Afrique jubilaient encore l’ “indépendance”. Et ce goût du retro est aussi présent dans la composition musicale que dans les visuels des clips proposés par Bertrand Ndukong, le Réalisateur exclusif du label qui met bien en valeur l’esprit du projet, des vêtement à la coiffure – Rihanna a d’ailleurs récemment repris pour Vogue Magazine une coiffure malgache des années 30, que Reniss avait déjà ramenée au goût du jour et popularisée…

Bien qu’un hit soit quelque chose qui ne déplaît à aucun artiste, il est néanmoins important de souligner que cet opus vise beaucoup plus à construire un catalogue consistant sur un registre différent, et moins à dégoter le tube de l’heure.  La volonté de Reniss de rendre hommage aux artistes qui ont marqué les années glorieuses de la musique africaine avait déjà été fortement traduite dans les EPs Reniss Chante Les Classiques, sauf que dans ce projet là elle reprenait directement des chansons cultes de figures féminines.

En français, pidgin, anglais, haoussa, et ngemba, Reniss aborde des questions existentielles de l’humanité, en ce bas monde où c’est l’argent d’autrui qui est sucré, comme elle le dit en ouverture de l’album dans le titre Kwassa Kwassa, dont la vibe rappelle tout de suite ce courant musical congolais qui a fait les carrières de Pépé Kallé et l’Empire Bakuba, mais aussi Kanda Bongo Man, Zaiko Langa Langa, qui l’ont par la suite accéléré pour en faire du Soukouss. Kwassa Kwassa est d’ailleurs un lieu de joie nocturne bien célèbre à Bonaberi dans le quatrième arrondissement de Douala.

Sur le continent africain, un hommage est également rendu au Kwaito qui a fait rayonner des artistes sud-africains comme Yvonne Chaka Chaka à la fin des années 80 à travers Raw Money, mais aussi au rythme ghanéen qui a inspiré et fait danser toute l’Afrique de l’Ouest depuis les années 60, le highlife dans le titre Harambee. La harpe qui y rajoute une note presque mélancolique, donne toute sa force à cette ode à l’espoir pour une Afrique meilleure dans laquelle ses fils et filles se battraient ensemble.

Le Makossa des années 70 rayonne dans l’album Nzo, notamment dans les titres Nyama Nyama où la richesse culinaire du Cameroun est célébrée sur fond d’un puissant solo de saxophone, et Commando dont la basse, les rifts de cuivre et le swing de guitare dictent le pas de danse comme le montre le clip disponible sur Youtube.

Depuis le gros buzz de La Sauce, son hit qui avait conduit le Cameroun au sommet du football africain en 2017 avec le cinquième trophée de la CAN au Gabon, Reniss s’est taillé une place importante dans la sphère Bikutsi au Cameroun. Et elle a continué de creuser ce couloir dans son nouvel opus. Mbeng Et Le Feu Sort parlant de l’obsession de l’Europe qui demeure dans l’imaginaire d’une partie de la jeunesse africaine, et On Dit Quoi qui envoie un clin d’œil à la combativité des femmes, deux singles sortis en 2019, font trépigner dans le rythme qui a fait la gloire de Anne Marie Nzie ou Messi Martin.

Dans la même démarche rétro, Reniss retourne sur le filon qui a lancé sa carrière, à travers le morceau Miracle. Du Gospel, moins dansant même que son premier single Holy Wata. Dans les interludes, Papa et Mama Nzo, posent avec sagesse leurs voix en langue maternelle – le Ngemba, pour léguer des conseils de vie à la jeune génération, qui n’a toujours pas fini d’apprendre que dans la vie, la bienveillance est une richesse.

Reniss ressort également des résonances de la musique folklorique du Nord-Ouest qui a cartonné dans les années 80 – 90 jusque dans les grandes villes du pays, le fameux bottle dance, à travers le titre Njangui, qui célèbre la beauté du partage. Toujours au Cameroun, dans le dernier titre Zaman Sarki, la chanteuse fait un voyage dans les musiques du Sahel camerounais, où il est connu que dans la vie, on ne vit qu’une fois, parce que nul ne connait le lendemain. Alors fais d’aujourd’hui le meilleur jour du reste de ta vie.

Regardez ci-dessous le clip de Commando.