Si vous passez beaucoup de temps pendant le confinement dû au Corona Virus à écouter de la musique, vous êtes peut-être tombés sur Theophilus London, un rappeur américain de 33 ans, anciennement mentoré par Kanye West.

Intitulé Bebey, son 3ème album studio est sorti en Janvier 2020. Toute oreille musicale, même la moins curieuse, saurait détecter que le titre éponyme du projet, Bebey sorti en single en 2018, est une copie trop flagrante du génie Francis Bebey, sur le classique Lily, un titre de l’album Si Les Gaulois Avaient Su enregistré à Paris en 1986, avec entre autres ses enfants Patrick Bebey à la basse, Francis Bebey Junior dit “Toups Bebey” au sax. Lily reprenait déjà le texte d’une chanson antiraciste du chanteur français Pierre Perret, sortie en 1977.

On pourrait se demander si Theophilus London n’est pas un fils caché de Francis Bebey – l’une des plus grandes légendes de la musique Camerounaise, décédé en 2001. Tellement le rappeur a puisé dans l’héritage du légendaire auteur du fils d’Agatha Moudio. Et comme dans la fiction de Francis où il remarque très facilement que le fils d’Agatha ressemble à quelqu’un d’une autre race, il apparaît de manière tellement évidente et flagrante, que Teophilus a copié.

Il a quasiment tout pompé

D’abord sur la musique. Si le jeune millénial étale des lyrics à l’intention d’une jeune conquête féminine dont il a besoin pour assouvir ponctuellement sa libido, contrairement à l’œuvre engagée de Francis qui raconte plutôt le périple de Lily, une jeune migrante somalienne confrontée au racisme de Paris à Memphis dans les années sombres de la ségrégation, il est aisé à l’écoute du titre incriminé, Bebey, de noter que le rappeur n’a pas fait beaucoup d’efforts. Il a tout simplement pompé. Les lignes de batterie, basse, piano du titre original sont samplées en boucle le long du morceau, pour permettre à Teophilus de surfer sur son nuage. Le titre original de Francis a des airs de Calypso. Ce qui a sûrement aidé l’artiste dans sa communication. Puisque la presse musicale américaine présente globalement son album comme une recherche dans la musique des Caraibes, une zone dont fait partie Trinidad, l’île d’origine du rappeur, où le Calypso est la musique populaire. En plus, il ne s’est pas arrêté à un seul titre. Dans l’album Bebey, vous noterez également que sur les titres Marchin et Give You, c’est des samples tout aussi flagrants, respectivement de Le Grand Soleil De Dieu et de Immigration Amoureuse, toujours de l’album Si Les Gaulois Avaient Su, devenu le nirvana créatif de Théophilus London.

Ensuite, sauf quelques détails superflus, Teophilus London a également repris presqu’entièrement le visuel que Francis avait utilisé en 1986 pour la représentation de l’album Si Les Gaulois Avaient Su. Le portrait dessiné d’une jeune femme noire, teint chocolat, aux cheveux blonds. Dans la vidéo lyrics de la chanson – ci-dessus, on peut d’ailleurs voir que cette représentation est assez mise en valeur, avec une jeune femme qui se fait coiffer et teinter les cheveux.

Autre point du remarquable attachement de Teophilus Musa London à Francis Bebey, c’est le fait d’avoir nommé son label de musique My Bebey Records. En plus du choix de Bebey comme titre d’une chanson et de son album. Le concept Bebey semble donc lui être très cher. Il en a fait tout un projet à long terme, au-delà d’un chanson et d’un album.

Aucun accord n’a été signé avec les ayants droits

Et ça rapporte sans doute déjà pas mal. Le morceau est synchronisé comme Bande Originale de la série Ozark diffusée sur Netflix ! Les droits de cession ainsi que tous les autres bénéfices du projet, Teophilus semble garder tout pour lui. Reprendre entièrement ou partiellement une oeuvre, est une technique créative qui a toujours existé dans le monde artistique. Ce mécanisme permet en même temps de donner une nouvelle vie à l’oeuvre reproduite, mais aussi à l’artiste qui reprend, d’enrichir le paysage musical avec une recherche différente. Le problème c’est quand cela se passe sans que l’auteur initial ou ses ayants droits, ne donnent un agrément. Très agacé, un des fils de Francis Bebey, Patrick Bebey que nous avons contacté, est formel : “Monsieur London et ses producteurs n’ont jugé bon de nous contacter que quelques jours avant la sortie de l’album. Aucun accord n’a eu le temps d’être conclu. Ils ont le culot d’utiliser le nom BEBEY et d’en faire une sorte de marque (qui serait la leur). C’est grossier… Ils ont décliné la chose sur des articles de merchandising!… Bref, l’affaire est entre les mains d’un avocat”… On se retrouve ainsi dans une énième affaire de reproduction non autorisée d’une œuvre musicale, ce qu’on appelle un plagiat. Un virus vieux comme le monde dans l’univers des droits intellectuels. Affaire à suivre.